mercredi 6 juin 2012

La lutte des classes passe par les loyers

Par Seb Musset

"La vie, c'est l'offre et la demande" François Fillon, 04.06.2012 

Et oui. Ils osent tout. Après une hausse de 50% des loyers en 10 ans, le décret provisoire pour bloquer les loyers à la relocation annoncée par Cécile Duflot, ça couine encore de sa jérémiade victimaire chez les multiproprios : le jackpot est cassé ! 

Les cris et gémissements des rentiers agacés balayent tout le spectre de la droite, de François Fillon à Louis Alliot, chacun reprenant mot pour mot les thèses libérales de "la loi du marché" et de "l’offre et de la demande", principes en vigueur depuis des décennies et avec quel succès : 10 millions de personnes touchées, une explosion de travailleurs logeant dans leur voiture tandis que l'espérance de vie des sans-abris, dont le nombre explose, est passée à 45 ans. La classe non pour un pays supérieurement civilisé ?

Même cette tarte d’Apparu, dont le seul effort au poste de Cécile Duflot dans le précédent gouvernement aura été de servir la soupe aux rentiers, a cru bon de la ramener

Notons tout de fois un paradoxe chez les opposants à la loi chez qui, il n'y a pas de hasard, on ne retrouve jamais de locataires. Deux types d'arguments cohabitent :

1 / Au final, la baisse des loyers serait mauvaise pour les locataires. Prière de ne pas rigoler, je l’ai lu de la plume d’un professeur d’économie qui fait beaucoup pour crédibiliser sa profession.

2 / De toutes les façons, l’encadrement des loyers ne changera rien à la situation.

Quel souci soudain du propriétaire pour la bonne santé du locataire, ce type a qu'il demandait encore 4000 euros de salaire pour un studio de 1000 la semaine dernière, euh que dis-je ce matin encore. Quelle étrange et virulente levée de boucliers contre quelque chose qui serait finalement sans conséquence ! 

Quant à l’argument Point BHL du blocage des loyers qui "tuerait les villes" et ferait "fuir les investisseurs", c'est gentil de se soucier aujourd'hui de la santé des villes alors qu'elles sont ravagées, défigurées, vidées de leur substance, vidées tout court par la spéculation depuis 15 ans. Ce sont les habitants qui font une ville, non les investisseurs. 4 fois sur 5, ce terme bien trop gentil cache en fait la pire avidité qui soit et un total manque de considération, autre que financière, pour son prochain. Si les investisseurs sont martyrisés par la pierre, castrés par Cécile Duflot, oppressés par le joug du locataire: qu'ils quittent la ville, les côtes de France et toutes "les zones tendues" sur lesquelles ils ont fait une OPA en dénonçant la pénurie et dans lesquelles ils s'engraissent copieux depuis des années, repoussant les locaux en 27e périphérie. M'est avis que personne ne les regrettera.


La perspective d'un encadrement des loyers vaut d'abord pour sa valeur symbolique. C'est principalement ce qui est critiqué par nos détracteurs de décret, bien au fait que leurs arguments économiques sont d'un comique prononcé. C'est une première attaque au sacrosaint droit du propriétaire de faire ce qu'il veut parce que c'est chez lui, une première brèche dans le mur de l'impunité, une offensive modérée, mais qui en appelle d'autres d'où l'acharnement à la dénoncer. Alors que pour beaucoup l'enrichissement par l'immobilier a remplacé l'enrichissement par le travail, sur le terrain, pour les aspirants locataires la course au logement est l'extension foncière de la lutte des classes. 

La logique des bailleurs individuels, usant et abusant du droit de propriété, s'oppose clairement à celle de ceux qu'ils exploitent, jusqu'à présent avec la bienveillance de l'Etat, voire avec sa complicité (les grands pourfendeurs de l’interventionnisme ayant été par ailleurs copieusement subventionné depuis des années). 

Concernant le "pauvre petit propriétaire" qui serait la victime d'une loi inique, rappelons-lui que, non, il n'y a pas de fatalité en France à ce que le logement reste un marché comme les autres,  encore moins un casino truqué où celui disposant du capital doit gagner à tous les coups. Nous rappellerons également au "pauvre propriétaire parisien"que le prix du m2 dans la capitale a encore grimpé de 110 euros en 2 mois et que je connais peu de salariés ayant connu une telle augmentation en 5 ans.

Un mouvement est initié, qui ne va pas encore assez loin mais va déjà dans le bon sens. Un signal est envoyé, il fait déjà grogner les grands moralisateurs de la thune tombant tranquille grâce à l’effort pour les autres. Les jours du grand n’importe quoi sont comptés. 

Du moins, je l’espère.

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