L'hiver dernier, le président du syndicat des proprios (l'UNPI) implorait le gouvernement Sarko de lui venir en aide après l'annonce de l'atomisation de la niche fiscale Scellier et la refonte du PTZ+.
Favoriser l’accès à la propriété à tout prix et soutenir en aveugle le bâtiment : l'Etat dopait les prix de l'immobilier durant des années pour le plus grand confort des propriétaires bailleurs et des banquiers.
Mais ça c'était avant.
Hier, notre super sauveurs des spoliés de la société que sont les propriétaires, décidait d'en finir avec l'intolérable soutien aux nantis ! Tremblez tyrans de l'immo ! Sus à l'ennemi !
Excédé par le mal-logement de ses compatriotes, n'écoutant que sa volonté de mettre fin au chaos foncier où régnait décomplexé le rentier le plus fort, le chef de la ligue des rentes extraordinaires portait plainte auprès de la Commission européenne contre les aides publiques au logement HLM.
Motif : "Concurrence déloyale sur le marché de l'immobilier locatif".
Imparable logique: les logements pas assez chers, c'était de la faute des logements sociaux.
- "Mais monsieur Perrin y'a 1,200.000 demandes en attente sur le territoire." Lui demanda l'orphelin sans toit.
- "Non petit, on te manipules. Le secteur du logement à prix normal ne saurait faire plus longtemps de l'ombre aux possédants. "
Terminés les jours heureux de la vermine pauvre bénéficiant d'un logement décent garanti par un Etat, stupidement attaché à ses traditions forts peu compétitives de solidarité. Le lobby des mal-logés ne saurait plus longtemps priver le riche du manque à gagner qui lui était dû !
Et Perrin, le punisher du capital, de brandir un bouclier moral d'invulnérabilité : l'injustice de ces logements HLM occupés par des ménages aisés (+ de 4000 euros / mois): environ 10%.
- "Mais M'sieur Perrin, il ne s'agit de gens ne disposant pas de ces revenus à leur arrivée, qui sont aujourd'hui à peine au-dessus du seuil, qui peineraient à se reloger ailleurs sans s'endetter à mort et payent en conséquence un surloyer.[1] En plus, ils sont plutôt âgés alors pour le crédit ça craint."
- "Remballe ta kryptonite à la guimauve, pauvre tâche. Je te parle justice sociale !"
Piqué au vif, le super mytho de l'UNPI brandit son arme secrète : le fulguro-chiffre-bidon. Et paf "700.000 logements HLM vacants" dans ta face d'assisté !
- "Et pourquoi pas 7 millions, tant que vous y êtes Monsieur Perrin ? Vous savez bien que la sous-occupation des logements dans le privé est la raison fondamentale de la montée des prix à Paris ?"
- "Ta gueule raclure communiste ! Face à l'affront de l'encadrement des loyers, le syndicat de la plus-value pépère se doit de sauver l'honneur des propriétaires bafoués."
De plus, l'annonce concourait à travailler l'opinion sur la nocivité du concept de logement social, et donc sur la pertinence d'éradiquer les projets de nouvelles constructions: une noble cause qui permettrait l'avènement libéral d'un monde meilleur avec une offre immobilière totalement privatisée.
- "Mais Monsieur Perrin. Vous dites tout le temps que la pénurie de logements entraîne les prix à la hausse".
- "Tais-toi vulgaire non-possédant ! Laisse faire la France des propriétaires !"
Au crépuscule de la bulle immo, Perrin s'en allait vers Bruxelles, dossier à la main. L'offensive com' ne servirait pas à rien. Elle apporterait de l'eau au moulin de ceux voulant récupérer la gestion du secteur, avec sa population captive et ses immeubles amortis depuis longtemps. La populace ne s'étonnait d'ailleurs qu'à moitié que cette annonce survint le jour de la présentation au gouvernement du rapport de la Cour des comptes préparant l'opinion à une rigueur qui taisait son nom.
La société retrouvait confiance en elle-même.
Grace à Perrin, proche était le jour où les proprios, soucieux que la justice soit respectée dans les HLM, en accepteraient près de chez eux !
[1] si des choses sont à revoir, notamment la transparence des conditions d'attribution des HLM ainsi que sur les possibilités d'évolution (cas vu à plusieurs reprises: des retraité(e)s veufs ou veuves occupent des 80m2 et désirent plus petit, mais l'organisme s'en désintéresse), ce n'est certainement à la clique des bailleurs privés, spécialiste de l'exonération, du crédit d’impôt et de la défiscalisation, de mettre son nez là-dedans.
Illustration : Super de J.Gunn (2012)
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