mercredi 5 septembre 2012

Eric Zemmour et la menace HLMiste

Par Seb Musset

2 minutes 57. C'est le temps nécessaire à Eric Zemmour pour propager de la bonne grosse connerie autoqualifiée de "pas politiquement correcte", chargée en clichés xénophobes machos ou antisociaux, auprès de millions d'auditeurs dont j'espère qu'ils ne sont à l'image du titre de sa chronique: "pas dupes".

Ce matin sur RTLle "censuré" s'attaquait à Cécile Duflot (qui vient d'annoncer la cession par l'état de terrains pour la construction de logements sociaux et la multiplication par 5 des pénalités pour les communes ne respectant pas la loi SRU). Submergé par sa détestation des Verts et des femmes au pouvoir, l'Avenger des petites gens en vient à enfiler une série de clichés sur le logement social. Ça ne serait pas si grave si, au lieu de se cantonner au zinc du bar de pochtrons dont elle n'aurait jamais dû décoller, sa daubesque diatribe n'était pas diffusée à 7h (le prime-time de la radio).

Entre ici Rico:

Entre autres moments de grâce, à 0.30 le polémiste reproche à la Ministre du Logement de céder à prix cassé des terrains de l'Etat "alors qu'ils pourraient être vendus à prix d'or et réduire les énormes déficits publics(retiens là bien, ça va nous resservir dans 2 minutes). 

A 1.30, selon Zemmour: Cécile Duflot n'aurait que "mépris" pour cette "nouvelle manie des Français de s'installer loin des grandes villes et de retrouver au calme dans dans leur home-sweet-home avec jardin que leurs spécialistes appellent périurbain" [...] "Duflot veut les forces à réintégrer leur HLM dont ils n'auraient jamais dû sortir".

C'est simple le "pas politiquement correct": L'exode à Pétaouchnok des classes populaires n'est pas dû à la spéculation immobilière dans les villes (en partie entraînée par les lecteurs des pages saumons du canard où officie Zemmour), mais bien à la passion française pour "la nature". Cette même soif de retour à une vie saine et paisible poussant les ménages à se taper 4h de transport par jour, en plus de la pollution des villes où ils travaillent. Faut dire avec ses bons scores FN (motivés en partie par l’exclusion culturelle, le manque réel d'infrastructures et de services publics à proximité et le sentiment de déclassement géographique), le "péri-urbain" c'est un peu la chasse gardée de Zemmour même s'il ne donne pas le sentiment d'y mettre souvent les pieds.

Notons d'ailleurs que Zemmour ne parle pas de villes désertées mais bien de "banlieues". Banlieues bien sûr quittées à cause des dangers de "l'immigration".

A ce stade, je ne sais pas si Duflot veut réintégrer de force "les beaufs"[1] dans les HLM, comme Zemmour l'affirme au fiel, mais une chose est acquise: lui n'en veut pas dans les villes.

Logique. Une minute plus tôt, rappelez-vous, l’intrépide journaliste rageait que l'Etat ne contribue pas  un peu plus à la montée des prix en centre-ville. De là à penser que le chroniqueur en croisade "anti-bobo" habite en ville, qu'il y possède un bien dont il ne veut pas voir baisser la côte, dans un immeuble pas forcément certifié sans immigré mais très certainement garanti sans pauvre, il n'y a qu'un pas que nous nous garderons bien de franchir ici.

Eric Zemmour reproche donc à Cécile Duflot de vouloir imposer un "vivre ensemble obligatoire" (critique pour le moins contradictoire de la part d'un type qui veut en finir avec le multiculturalisme) et instrumentalise l'immigration pour masquer 1 / sa condition sociale de citadin über-peinard 2 / une relégation vers le péri-urbain des familles qui a plus à voir avec une flambée des prix dans le privé et une carence de l'offre sociale.

Malgré les clichés "HLM = clapier" et autre "HLM = immigration", nous rappellerons donc à Rico:
- Qu'il y'a en France 1.7 million de demandes de logements sociaux en attente.
- Qu'à Paris la demande concerne 120 000 familles pour un parc d’environ 180 000 logements. (Que Paris et la petite couronne concentrent les 2/3 des demandes d'Ile-de-France)
- Que le taux de rotation des logements est inférieur à 5% car les familles bénéficiaires d'un logement social n'ont pas les moyens de se loger sur le marché privé, dont les loyers d’entrée sont doubles des loyers de sortie des HLM.
- Que les commissions municipales de désignation (pour les logements sociaux dont la ville est réservataire) voient passer des dossiers de familles consacrant dans le secteur privé plus de 50 à 60% de leur budget au logement.
- Que généralement ceux qui ont un logement social y restent, même si ce dernier est surpeuplé.

 [1] bel usage du discours indirect fantasmé. 

mardi 4 septembre 2012

Ceci n'est pas une crise de l'immobilier mais du partage

Par Seb Musset

Encore un drame du logement. Davantage de SDF, d’étudiants exploités, de studettes insalubres ou d'arnaques liés aux abus des bailleurs et parasites du secteur ? Non. A lire la presse spécialisée, le problème est ailleurs. 


"L’immobilier neuf s’enfonce dans la crise". Ouille. Le nombre de mises en chantier baisse de 12% au trimestre dernier par rapport à 2011 et les ventes de logements neufs ont chuté de 13,9% au deuxième trimestre 2012. Les promoteurs crisent.

La fédération des promoteurs immobiliers (FPI) annonce qu'elle va bientôt proposer au gouvernement des pistes "pour faire baisser les prix du foncier et des coûts de construction". Comme quoi c'est tout bête: il suffisait d'attendre que les promoteurs ne vendent plus pour qu'ils songent à combattre la hausse continue des prix de l'immobilier depuis 15 ans (hausse 4X plus rapide que les revenus disponibles des français sur la même période)

Les "investisseurs privés(comprendre petits investisseurs souhaitant une culbute à 30% en 3 ans avec déductions d'impôts anticipées, en se gavant de loyers à un SMIC entre temps) n’investissent plus. Terrorisés par le "blocage des loyers" et la fin du Scellier, ils redoutent les prochaines surprises fiscales. Le multiproprio qui a déjà trois appartements n’en achète pas un quatrième: voilà le drame du  promoteur. Pas mieux pour les agents immobiliers: le multiproprio ne veut pas non plus "brader" son bien.

"Les particuliers qui vendent ne veulent pas, sauf exception, baisser leurs prix" déclare, inquiet sur les licenciements à venir dans le secteur, le DG du groupe Guy Hocquet dans Les Echos

Pour les autres, jeunes, revenus moyens ou faibles, les choses sont plus simples: soit ils ont fait une croix sur l'achat, soit ils ont déjà acheté et remboursent encore pour un moment en croisant les doigts pour que la valeur du machin ne s’effondre pas. Tout cet argent cramé (22.3% des revenus disponibles des ménages en 2010) dans un crédit ou des loyers est autant de pouvoir d'achat en moins, des centaines de milliards manquant à l'économie française (430 Milliards en 2010, chiffres CGDD). En large partie liée à la spéculation, la flambée des prix de l'immobilier est un frein de la sacro-sainte croissance. Regagner du pouvoir d'achat, ce n'est pas seulement augmenter les salaires (ce qui touche les travailleurs), mais d'abord baisser le coût du logement (ce qui touche tous les français).

(En kiosque cette semaine. Note dans les deux cas l'éradication du critère humain. C'est "l'immobilier" qui est "face à la crise" dans L'obs, tandis que chez Capital ce sont les "biens" qui "vont craquer")

Ceux qui devaient acquérir ayant déjà acquis, et les multiproprios n’étant pas pressés de baisser leurs prix de vente, nous sommes dans une situation de blocage, avec des logements vides et de plus en plus gens mal ou pas logés autour (spécialement dans les zones où se concentrent l'activité).

Tu me diras: "- N'est-il pas aberrant de vouloir encore construire alors que la demande n'est plus solvable et que la partie haute des revenus empile les biens immobiliers, l'espace vide et l'épargne?  Ne serait-ce pas l'occasion 1 / d'enfin capter ce pognon en suspension et l’injecter là où il faut, c’est-à-dire dans la construction de logements ou la réhabilitation de logements inoccupés ?  2 / De capter ces locaux, maisons, appartements, bureaux vides, bref de forcer les propriétaires à les louer ?".  Tu auras raison (toujours flatter son lecteur). 

1 / Capter le pognon.
La hausse du plafond du livret A est là pour ça, en partie. Mais, Il faut que cette mesure s’accorde avec des acquisitions de terrain pour bâtir des logements à loyers modérés (un projet de loi sur la cession de terrains de l'Etat à cette fin, et l'augmentation des pénalités pour les communes récalcitrantes, sera présenté au conseil des ministres mercredi prochain). Notons que si les dizaines de milliards de déductions fiscales, ayant jusqu'à présent bénéficié aux promoteurs pour construire, n'importe comment et n'importe où, des appartements aujourd'hui inoccupés avaient été utilisés avec le souci du long terme et de la collectivité (intégrées dans de vrais projets d'urbanisme liés à des bassins d'activité, avec des transports publics disponibles), le problème de logements de centaines de milliers de Français serait probablement réglé et les "petits investisseurs privés" y auraient aussi trouvé leur compte. Mais le mal est fait. Chacun a pensé à soi, et incité par l'ami banquier, les sirènes télévisées, chacun a voulu "accomplir son projet immobilier" et "faire du blé" tandis que les dispositifs fiscaux d’aide à l’investissement privé étaient globalement dépourvus de réelle contrepartie sociale.

2 / Capter les biens déjà construits et lutter, arithmétiquement, contre le sous-peuplement.
Cela implique d’effectuer un véritable audit, un recensement immobilier national afin de connaitre une bonne fois pour toutes qui possède quoi, mais surtout dans quel état et si c'est occupé ou pas. Une donnée pour le moment mal cernée, quand bien même les experts justifient chaque hausse des prix par "la pénurie".

Ces données connues elles permettraient d'agir avec, au choix ou en cumulé:

- La mise en place d’une fiscalité croissante et réellement dissuasive sur les logements inoccupés (et sous occupés) sur 5 ou 10 ans avec à terme, si rien n’est fait, réquisition et gestion par les bailleurs sociaux. Cécile Duflot a annoncé récemment dans Le Nouvel observateur ses intentions dans ce sens.  

- La mise en place, à l'inverse, d’aides pour les propriétaires les plus fragiles à la rénovation des biens conditionnés à leur remise à disposition à la location à des tarifs sociaux

Promoteurs et dealers de crédit[1] ne feront pas la promotion auprès du Ministère du Logement de ce type de solutions chamboulant un paradigme pourtant à l'agonie (basé sur le crédit bancaire, la cupidité individuelle, une dose de peur[1] et un climat média vantant "l'accès à la propriété" comme condition minimale requise pour la félicité, et "gagner de l'argent avec l'investissement immobilier" comme seul ascenseur social efficace), un paradigme où "la pénurie" explique toujours tout et "la construction" aurait raison du reste. 

[1] CAFPI - courtier en emprunts immo - y va de sa critique sur la hausse du plafond du livret A, c'est mignon tout plein

[2] En 2007, pour les "experts" la peur de la conjoncture expliquait la fièvre immobilière. Ils usent du même argument pour expliquer la baisse des transactions en 2012.

Illus: Vertigo, A.Hitchcock (1958)

jeudi 30 août 2012

L'Express, faut-il l'acheter ?

Par Seb Musset

Dans cet océan d'incertitude immobilière, l'engagement rédactionnel de journalistes de terrain rassure.

Ainsi le dernier numéro de L'Express m'affirme que "ça bouge..." (sous entendu "sans moi"). Dépêchons-nous d'acheter. D'ailleurs ceci me rappelle que 6 mois avant...


...il fallait "profiter de la baisse". Déjà que j'avais raté le coche 6 mois plus tôt...


Pourtant Christophe m'avait prévenu. Pas plus tôt que trois mois avant...


Lent à la détente que j'étais. Faut dire, que Christophe avait osé la légende interrogative l'an passé et  ça me collait grave le doute...


Evidemment que oui, il fallait acheter. Quelle question ! D'ailleurs, si j'avais été un peu plus attentif à la Une de l'année d'avant...


Mais c'est tout moi ça: Je ne sais pas saisir les opportunités, même lorsqu'on me l'ordonne...


...Même quand on me change la couleur...


Au fond, j'en suis toujours au même point qu'il y a cinq ans, ou deux, ou comme dans six mois.


- "Et qu'est-ce qui est le plus difficile dans ce métier?"

CHRISTOPHE BARBIER, rédacteur en chef de L'Express depuis août 2006
- "Lutter contre la routine, une forme de paresse intellectuelle qui fait qu'on a tendance à ne pas se remettre en cause." (source)

mardi 24 juillet 2012

SOS Proprios en détresse

Damnation, l'odieux projet se concrétise. La loi sur l’encadrement des loyers de la ministre du logement Cécile Duflot est publiée au journal officiel, applicable dès le 1er aout dans 38 villes à forte tension locative.

Les propriétaires ne pourront désormais plus augmenter n'importe comment leur(s) bien(s) entre deux locataires et devront respecter l'IRL (indice référence des loyers). Un numéro vert d'information a été mis en place pour propriétaires et locataires.

Morceaux choisis, au coeur du SAV, en exclusivité pour le blog de Seb Musset.

Dring. 

- Sos Encadrement des loyers Bonjour.

- Ah mais kessessé ce bordel ? Y a l’autre gaucho-ecolo-bobo qui veut m’empêcher de faire du blé ! Qu'elle s'occupe du colza transgénique et d'ses robes à fleurs et qu'elle m'fasse pas chier OK ? La propriété c’est une affaire d’homme. Faut mettre un type à poigne là-dedans. Euh… un George Tron ou un David Douillet !

Dring. 

- Sos Encadrement des loyers Bonjour.

- C’est quoi ce scandale ! Je ne vais faire que du +3% à l’année. La gauche veut m’étrangler c’est ça ? Des appartements que j’ai payés à la sueur de mon héritage !

Dring. 

- Sos Encadrement des loyers Bonjour.


- Voulez que je vous fasse la liste des frais pour la studette que j'ai mis en loc' ? 14,20 euros de peinture chez BatiGro et le paravent escamotable pour séparer les chiottes de la chambre et la chambre de la cuisine, 16.50 euros à la Foir'fouille ! Vous croyez que ça me tombe tout seul dans les mains l’argent, m'dame Duflot ? Moi je suis pas un politcard pourri qui encaisse l'argent en se tournant les pouces... euh... enfin voilà quoi. Bon je vous laisse, je vais rater C dans l'air.

Dring. 

- Sos Encadrement des loyers Bonjour.

- Madame Duflot, le vrai problème en France ce sont les pauvres. Ils ne nous payent pas assez et ils ne payent pas assez de taxes, tout le monde le sait. Sinon, euh, je voulais savoir pour la défiscalisation Bouvard sur les meublés ça marche toujours cette année ? Non je demande c'est parce que je suis sur un lot pas cher de 12 apparts boulevard Arago.

Dring. 

- Sos Encadrement des loyers Bonjour.

Bah moi je m'en fousje ne loue qu'aux touristes. Et au black ! Pas un sou pour les voleurs des  impôts. 600 euros la semaine le 2 pièces à Bastoche, ça me paye mes Cohiba. J'aime pas les étrangers, mais faut reconnaître que c'est moins d'emmerdes. Fini les cas sociaux locaux. Dommage, on a raté les JO, je serais passé à 1800 la semaine. Le problème c'est que La France est foutue parce que chacun pense à sa gueule. Sale mentalité, j'vous jure.

Dring. 

- Sos Encadrement des loyers Bonjour.

- Bafoués, humiliés, spoliés. Halte aux lois iniques qui nous blâment d’être propriétaires. Que la  gauche molle cesse de rendre la Gaule moche !

Dring. 

- Sos Encadrement des loyers Bonjour.

- Mais vous n’y pensez pas ! Vous voulez crever la bulle immobilière, c'est ça hein ? Mais vous êtes inconsciente, Madame Duflot ! Si les prix descendent, un jour les gens achèteront sans s'endetter. Ou pire, ils nous loueront des apparts à des prix normaux pour eux. Mais c'est la fin du monde tel qu'on le connait !!!!


Dring. 

- Sos Encadrement des loyers Bonjour.

- C’est une connerie sans nom ! La récession est en marche ! Les rentiers sont la force vive de ce pays ! Vous ne croyez quand même pas qu'on va s'en sortir en travaillant ? Un peu de réalisme à gauche ne ferait pas de mal.

Dring. 

- Sos Encadrement des loyers Bonjour.

- C’est scandaleux. Vous allez voir qu’un jour ils vont me forcer à poser des fenêtres et des chiottes pour mes locataires !


Dring. 

- Sos Encadrement des loyers Bonjour.

- Si c’est comme ça nous, France des propriétaires, détruirons nos logements. L’Etat soviétique n’a pas à nous empêcher d’empocher. Nous redistribuons déjà bien assez à la vermine galeuse des assistés. No Pasaran los ploucos. Ré-sis-tance !


Dring. 

- Sos Encadrement des loyers Bonjour.


Robert Ménard a dit qu’il existe deux façons de raser une ville, le bombardement et l’encadrement des loyers. Il a bien raison Robert Ménard.


Dring. 

- Sos Encadrement des loyers Bonjour.


- Madame Duflot ne connait pas les règles fondamentales du marché : bloquer le prix va réduire l'offre. Pour augmenter le prix, il faut au contraire bloquer le locataire. C’est le minimum. Ça s’apprend en première année d'M6! Mais Madame Duflot est probablement plus occupée à regarder les Thema d'Arte sur le cannabis. Ah jolie mentalité !

Dring. 

- Sos Encadrement des loyers Bonjour.

- Bon bah moi je suis locataire et je tenais à remercier madame Duflot. Certes, ça ne pas va changer les choses pour la plupart, ça en aidera quelques-uns, et surtout, il y a encore tant à faire. Mais quand je vois comment ça rend dingos les proprios et les types de droite, malgré tous les tirs de barrage qu'ils ont déployés depuis des mois pour contrer ce projet, jusqu'à finir par siffler la ministre à l'assemblée, je me dis que ça va dans le bon sensContinuez Madame Duflot!

Illustration Pontypool de B.MacDonald (2008)

mercredi 4 juillet 2012

La ligue des rentiers extraordinaires

Par Seb Musset

A chaque solstice, Jean Perrin revient.

L'hiver dernier, le président du syndicat des proprios (l'UNPI) implorait le gouvernement Sarko de lui venir en aide après l'annonce de l'atomisation de la niche fiscale Scellier et la refonte du PTZ+.

Favoriser l’accès à la propriété à tout prix et soutenir en aveugle le bâtiment : l'Etat dopait les prix de l'immobilier durant des années pour le plus grand confort des propriétaires bailleurs et des banquiers.

Mais ça c'était avant.

Hier, notre super sauveurs des spoliés de la société que sont les propriétaires, décidait d'en finir avec l'intolérable soutien aux nantis ! Tremblez tyrans de l'immo ! Sus à l'ennemi !

Excédé par le mal-logement de ses compatriotes, n'écoutant que sa volonté de mettre fin au chaos foncier où régnait décomplexé le rentier le plus fort, le chef de la ligue des rentes extraordinaires  portait plainte auprès de la Commission européenne contre les aides publiques au logement HLM.

Motif : "Concurrence déloyale sur le marché de l'immobilier locatif".

Imparable logique: les logements pas assez chers, c'était de la faute des logements sociaux. 

- "Mais monsieur Perrin y'a 1,200.000 demandes en attente sur le territoire." Lui demanda l'orphelin sans toit.

- "Non petit, on te manipules. Le secteur du logement à prix normal ne saurait faire plus longtemps de l'ombre aux possédants. "

Terminés les jours heureux de la vermine pauvre bénéficiant d'un logement décent garanti par un Etat, stupidement attaché à ses traditions forts peu compétitives de solidarité. Le lobby des mal-logés ne saurait plus longtemps priver le riche du manque à gagner qui lui était dû !

Et Perrin, le punisher du capital, de brandir un bouclier moral d'invulnérabilité : l'injustice de ces logements HLM occupés par des ménages aisés (+ de 4000 euros / mois): environ 10%. 

- "Mais M'sieur Perrin, il ne s'agit de gens ne disposant pas de ces revenus à leur arrivée, qui sont aujourd'hui à peine au-dessus du seuil, qui peineraient à se reloger ailleurs sans s'endetter à mort et payent en conséquence un surloyer.[1] En plus, ils sont plutôt âgés alors pour le crédit ça craint.

- "Remballe ta kryptonite à la guimauve, pauvre tâche. Je te parle justice sociale !"

Piqué au vif, le super mytho de l'UNPI brandit son arme secrète : le fulguro-chiffre-bidon. Et paf "700.000 logements HLM vacants" dans ta face d'assisté ! 

- "Et pourquoi pas 7 millions, tant que vous y êtes Monsieur Perrin ? Vous savez bien que la sous-occupation des logements dans le privé est la raison fondamentale de la montée des prix à Paris ?"

- "Ta gueule raclure communiste ! Face à l'affront de l'encadrement des loyersle syndicat de la plus-value pépère se doit de sauver l'honneur des propriétaires bafoués."

De plus, l'annonce concourait à travailler l'opinion sur la nocivité du concept de logement social, et donc sur la pertinence d'éradiquer les projets de nouvelles constructions: une noble cause qui permettrait l'avènement libéral d'un monde meilleur avec une offre immobilière totalement privatisée

"Mais Monsieur Perrin. Vous dites tout le temps que la pénurie de logements entraîne les prix à la hausse"

- "Tais-toi vulgaire non-possédant ! Laisse faire la France des propriétaires !"

Au crépuscule de la bulle immo, Perrin s'en allait vers Bruxelles, dossier à la main. L'offensive  com' ne servirait pas à rien. Elle apporterait de l'eau au moulin de ceux voulant récupérer la gestion du secteur, avec sa population captive et ses immeubles amortis depuis longtemps. La populace ne s'étonnait d'ailleurs qu'à moitié que cette annonce survint le jour de la présentation au gouvernement du rapport de la Cour des comptes préparant l'opinion à une rigueur qui taisait son nom.

La société retrouvait confiance en elle-même.

Grace à Perrin, proche était le jour où les proprios, soucieux que la justice soit respectée dans les HLM, en accepteraient près de chez eux !

[1] si des choses sont à revoir, notamment la transparence des conditions d'attribution des HLM ainsi que sur les possibilités d'évolution (cas vu à plusieurs reprises: des retraité(e)s veufs ou veuves occupent des 80m2 et désirent plus petit, mais l'organisme s'en désintéresse), ce n'est certainement à la clique des bailleurs privés, spécialiste de l'exonération, du crédit d’impôt et de la défiscalisation, de mettre son nez là-dedans.

Illustration : Super de J.Gunn (2012)

jeudi 28 juin 2012

Sauvons les résidences secondaires !

Par Seb Musset

"La justice française s'est penchée lundi, pour la première fois, sur une orgie festive au cours de laquelle un millier de jeunes ont investi, puis saccagé, une villa inoccupée du littoral varois. Les deux jeunes organisateurs ont été condamnés lundi soir à 1 an de prison, dont 6 mois ferme, par le tribunal correctionnel de Draguignan."  Le lab, 25.06.2012

Une rapidité et une efficacité de la justice française que l'on aimerait voir appliquées face aux bailleurs escrocs ou dans le traitement des dossiers DALO ! 

Côté presse, "l'orgie" ayant été organisée sur les internets et inspirée par le film projet X, tu obtiens ce cocktail explosif dont les médias raffolent à base de jeunes + réseaux sociaux du diable + atteinte au droit de propriété + mauvaise influence du cinéma ado (avec au passage réutilisation des images de la bande-annonce américaine pour illustrer la condamnation locale). Cocktail auquel chaque rédaction est libre de rajouter sur la base du texte AFP[1] une "vision d'horreur" ou "vision d'apocalypse" des plus nuancées dans l'échelle des atrocités planétaires du jour.


On aura donc droit à une pulvérisation journalistique en mode estival : 


(note les captures de vidéo-surveillance de la "nuit d'apocalypse" par le gardien Warner bros.)


(note la dimension pirates du net. Avec photo du logo, version l'inspecteur mène l’enquête, voilà qui ne va pas arranger le cours de ton action.)


Selon le même principe du meta sujet, on aurait pu titrer :

"Logement: le scandale de ces propriétés inoccupées à l'année aux mains des CSP+ étrangers ou pas, eux-mêmes dupés par des agents immobiliers en roue libre sous-louant au black à la jeunesse dorée du coin pour qu'elle fasse ses soirées. Tout ce petit monde puant le pognon jouant contre les intérêts des classes populaires locales, obligées de s’exiler ou de payer toujours plus cher (et ce dans le désintérêt le plus total de la justice, car c'est ici "la loi du marché").

Mais bon, c'était un peu long. Priorité au direct coco.


Bref. Avec le concours de la presse déjà en vacances, focalisée sur Facebook et le projet X, les messages sont passés et ils valent 10.000 slogans publicitaires : Le droit du propriétaire est sacré + riches étrangers continuez à OPAiser nos terres même si vous n'êtes là que 4 jours par an et que n'apportez rien à la croissance si ce n'est celle des prix de l'immo.

Regardez la réaction la propriétaire, Hanneke Sprong, après l'annonce du verdict.  Je ne sais pas pour vous, mais pour moi ça sonne comme un appel à remettre le couvert !



[1] J'ai trouvé 4 pages de Google reprenant le même article à la virgule près ou brodant autour de la même base AFP.

mercredi 6 juin 2012

La lutte des classes passe par les loyers

Par Seb Musset

"La vie, c'est l'offre et la demande" François Fillon, 04.06.2012 

Et oui. Ils osent tout. Après une hausse de 50% des loyers en 10 ans, le décret provisoire pour bloquer les loyers à la relocation annoncée par Cécile Duflot, ça couine encore de sa jérémiade victimaire chez les multiproprios : le jackpot est cassé ! 

Les cris et gémissements des rentiers agacés balayent tout le spectre de la droite, de François Fillon à Louis Alliot, chacun reprenant mot pour mot les thèses libérales de "la loi du marché" et de "l’offre et de la demande", principes en vigueur depuis des décennies et avec quel succès : 10 millions de personnes touchées, une explosion de travailleurs logeant dans leur voiture tandis que l'espérance de vie des sans-abris, dont le nombre explose, est passée à 45 ans. La classe non pour un pays supérieurement civilisé ?

Même cette tarte d’Apparu, dont le seul effort au poste de Cécile Duflot dans le précédent gouvernement aura été de servir la soupe aux rentiers, a cru bon de la ramener

Notons tout de fois un paradoxe chez les opposants à la loi chez qui, il n'y a pas de hasard, on ne retrouve jamais de locataires. Deux types d'arguments cohabitent :

1 / Au final, la baisse des loyers serait mauvaise pour les locataires. Prière de ne pas rigoler, je l’ai lu de la plume d’un professeur d’économie qui fait beaucoup pour crédibiliser sa profession.

2 / De toutes les façons, l’encadrement des loyers ne changera rien à la situation.

Quel souci soudain du propriétaire pour la bonne santé du locataire, ce type a qu'il demandait encore 4000 euros de salaire pour un studio de 1000 la semaine dernière, euh que dis-je ce matin encore. Quelle étrange et virulente levée de boucliers contre quelque chose qui serait finalement sans conséquence ! 

Quant à l’argument Point BHL du blocage des loyers qui "tuerait les villes" et ferait "fuir les investisseurs", c'est gentil de se soucier aujourd'hui de la santé des villes alors qu'elles sont ravagées, défigurées, vidées de leur substance, vidées tout court par la spéculation depuis 15 ans. Ce sont les habitants qui font une ville, non les investisseurs. 4 fois sur 5, ce terme bien trop gentil cache en fait la pire avidité qui soit et un total manque de considération, autre que financière, pour son prochain. Si les investisseurs sont martyrisés par la pierre, castrés par Cécile Duflot, oppressés par le joug du locataire: qu'ils quittent la ville, les côtes de France et toutes "les zones tendues" sur lesquelles ils ont fait une OPA en dénonçant la pénurie et dans lesquelles ils s'engraissent copieux depuis des années, repoussant les locaux en 27e périphérie. M'est avis que personne ne les regrettera.


La perspective d'un encadrement des loyers vaut d'abord pour sa valeur symbolique. C'est principalement ce qui est critiqué par nos détracteurs de décret, bien au fait que leurs arguments économiques sont d'un comique prononcé. C'est une première attaque au sacrosaint droit du propriétaire de faire ce qu'il veut parce que c'est chez lui, une première brèche dans le mur de l'impunité, une offensive modérée, mais qui en appelle d'autres d'où l'acharnement à la dénoncer. Alors que pour beaucoup l'enrichissement par l'immobilier a remplacé l'enrichissement par le travail, sur le terrain, pour les aspirants locataires la course au logement est l'extension foncière de la lutte des classes. 

La logique des bailleurs individuels, usant et abusant du droit de propriété, s'oppose clairement à celle de ceux qu'ils exploitent, jusqu'à présent avec la bienveillance de l'Etat, voire avec sa complicité (les grands pourfendeurs de l’interventionnisme ayant été par ailleurs copieusement subventionné depuis des années). 

Concernant le "pauvre petit propriétaire" qui serait la victime d'une loi inique, rappelons-lui que, non, il n'y a pas de fatalité en France à ce que le logement reste un marché comme les autres,  encore moins un casino truqué où celui disposant du capital doit gagner à tous les coups. Nous rappellerons également au "pauvre propriétaire parisien"que le prix du m2 dans la capitale a encore grimpé de 110 euros en 2 mois et que je connais peu de salariés ayant connu une telle augmentation en 5 ans.

Un mouvement est initié, qui ne va pas encore assez loin mais va déjà dans le bon sens. Un signal est envoyé, il fait déjà grogner les grands moralisateurs de la thune tombant tranquille grâce à l’effort pour les autres. Les jours du grand n’importe quoi sont comptés. 

Du moins, je l’espère.