mardi 24 juillet 2012

SOS Proprios en détresse

Damnation, l'odieux projet se concrétise. La loi sur l’encadrement des loyers de la ministre du logement Cécile Duflot est publiée au journal officiel, applicable dès le 1er aout dans 38 villes à forte tension locative.

Les propriétaires ne pourront désormais plus augmenter n'importe comment leur(s) bien(s) entre deux locataires et devront respecter l'IRL (indice référence des loyers). Un numéro vert d'information a été mis en place pour propriétaires et locataires.

Morceaux choisis, au coeur du SAV, en exclusivité pour le blog de Seb Musset.

Dring. 

- Sos Encadrement des loyers Bonjour.

- Ah mais kessessé ce bordel ? Y a l’autre gaucho-ecolo-bobo qui veut m’empêcher de faire du blé ! Qu'elle s'occupe du colza transgénique et d'ses robes à fleurs et qu'elle m'fasse pas chier OK ? La propriété c’est une affaire d’homme. Faut mettre un type à poigne là-dedans. Euh… un George Tron ou un David Douillet !

Dring. 

- Sos Encadrement des loyers Bonjour.

- C’est quoi ce scandale ! Je ne vais faire que du +3% à l’année. La gauche veut m’étrangler c’est ça ? Des appartements que j’ai payés à la sueur de mon héritage !

Dring. 

- Sos Encadrement des loyers Bonjour.


- Voulez que je vous fasse la liste des frais pour la studette que j'ai mis en loc' ? 14,20 euros de peinture chez BatiGro et le paravent escamotable pour séparer les chiottes de la chambre et la chambre de la cuisine, 16.50 euros à la Foir'fouille ! Vous croyez que ça me tombe tout seul dans les mains l’argent, m'dame Duflot ? Moi je suis pas un politcard pourri qui encaisse l'argent en se tournant les pouces... euh... enfin voilà quoi. Bon je vous laisse, je vais rater C dans l'air.

Dring. 

- Sos Encadrement des loyers Bonjour.

- Madame Duflot, le vrai problème en France ce sont les pauvres. Ils ne nous payent pas assez et ils ne payent pas assez de taxes, tout le monde le sait. Sinon, euh, je voulais savoir pour la défiscalisation Bouvard sur les meublés ça marche toujours cette année ? Non je demande c'est parce que je suis sur un lot pas cher de 12 apparts boulevard Arago.

Dring. 

- Sos Encadrement des loyers Bonjour.

Bah moi je m'en fousje ne loue qu'aux touristes. Et au black ! Pas un sou pour les voleurs des  impôts. 600 euros la semaine le 2 pièces à Bastoche, ça me paye mes Cohiba. J'aime pas les étrangers, mais faut reconnaître que c'est moins d'emmerdes. Fini les cas sociaux locaux. Dommage, on a raté les JO, je serais passé à 1800 la semaine. Le problème c'est que La France est foutue parce que chacun pense à sa gueule. Sale mentalité, j'vous jure.

Dring. 

- Sos Encadrement des loyers Bonjour.

- Bafoués, humiliés, spoliés. Halte aux lois iniques qui nous blâment d’être propriétaires. Que la  gauche molle cesse de rendre la Gaule moche !

Dring. 

- Sos Encadrement des loyers Bonjour.

- Mais vous n’y pensez pas ! Vous voulez crever la bulle immobilière, c'est ça hein ? Mais vous êtes inconsciente, Madame Duflot ! Si les prix descendent, un jour les gens achèteront sans s'endetter. Ou pire, ils nous loueront des apparts à des prix normaux pour eux. Mais c'est la fin du monde tel qu'on le connait !!!!


Dring. 

- Sos Encadrement des loyers Bonjour.

- C’est une connerie sans nom ! La récession est en marche ! Les rentiers sont la force vive de ce pays ! Vous ne croyez quand même pas qu'on va s'en sortir en travaillant ? Un peu de réalisme à gauche ne ferait pas de mal.

Dring. 

- Sos Encadrement des loyers Bonjour.

- C’est scandaleux. Vous allez voir qu’un jour ils vont me forcer à poser des fenêtres et des chiottes pour mes locataires !


Dring. 

- Sos Encadrement des loyers Bonjour.

- Si c’est comme ça nous, France des propriétaires, détruirons nos logements. L’Etat soviétique n’a pas à nous empêcher d’empocher. Nous redistribuons déjà bien assez à la vermine galeuse des assistés. No Pasaran los ploucos. Ré-sis-tance !


Dring. 

- Sos Encadrement des loyers Bonjour.


Robert Ménard a dit qu’il existe deux façons de raser une ville, le bombardement et l’encadrement des loyers. Il a bien raison Robert Ménard.


Dring. 

- Sos Encadrement des loyers Bonjour.


- Madame Duflot ne connait pas les règles fondamentales du marché : bloquer le prix va réduire l'offre. Pour augmenter le prix, il faut au contraire bloquer le locataire. C’est le minimum. Ça s’apprend en première année d'M6! Mais Madame Duflot est probablement plus occupée à regarder les Thema d'Arte sur le cannabis. Ah jolie mentalité !

Dring. 

- Sos Encadrement des loyers Bonjour.

- Bon bah moi je suis locataire et je tenais à remercier madame Duflot. Certes, ça ne pas va changer les choses pour la plupart, ça en aidera quelques-uns, et surtout, il y a encore tant à faire. Mais quand je vois comment ça rend dingos les proprios et les types de droite, malgré tous les tirs de barrage qu'ils ont déployés depuis des mois pour contrer ce projet, jusqu'à finir par siffler la ministre à l'assemblée, je me dis que ça va dans le bon sensContinuez Madame Duflot!

Illustration Pontypool de B.MacDonald (2008)

mercredi 4 juillet 2012

La ligue des rentiers extraordinaires

Par Seb Musset

A chaque solstice, Jean Perrin revient.

L'hiver dernier, le président du syndicat des proprios (l'UNPI) implorait le gouvernement Sarko de lui venir en aide après l'annonce de l'atomisation de la niche fiscale Scellier et la refonte du PTZ+.

Favoriser l’accès à la propriété à tout prix et soutenir en aveugle le bâtiment : l'Etat dopait les prix de l'immobilier durant des années pour le plus grand confort des propriétaires bailleurs et des banquiers.

Mais ça c'était avant.

Hier, notre super sauveurs des spoliés de la société que sont les propriétaires, décidait d'en finir avec l'intolérable soutien aux nantis ! Tremblez tyrans de l'immo ! Sus à l'ennemi !

Excédé par le mal-logement de ses compatriotes, n'écoutant que sa volonté de mettre fin au chaos foncier où régnait décomplexé le rentier le plus fort, le chef de la ligue des rentes extraordinaires  portait plainte auprès de la Commission européenne contre les aides publiques au logement HLM.

Motif : "Concurrence déloyale sur le marché de l'immobilier locatif".

Imparable logique: les logements pas assez chers, c'était de la faute des logements sociaux. 

- "Mais monsieur Perrin y'a 1,200.000 demandes en attente sur le territoire." Lui demanda l'orphelin sans toit.

- "Non petit, on te manipules. Le secteur du logement à prix normal ne saurait faire plus longtemps de l'ombre aux possédants. "

Terminés les jours heureux de la vermine pauvre bénéficiant d'un logement décent garanti par un Etat, stupidement attaché à ses traditions forts peu compétitives de solidarité. Le lobby des mal-logés ne saurait plus longtemps priver le riche du manque à gagner qui lui était dû !

Et Perrin, le punisher du capital, de brandir un bouclier moral d'invulnérabilité : l'injustice de ces logements HLM occupés par des ménages aisés (+ de 4000 euros / mois): environ 10%. 

- "Mais M'sieur Perrin, il ne s'agit de gens ne disposant pas de ces revenus à leur arrivée, qui sont aujourd'hui à peine au-dessus du seuil, qui peineraient à se reloger ailleurs sans s'endetter à mort et payent en conséquence un surloyer.[1] En plus, ils sont plutôt âgés alors pour le crédit ça craint.

- "Remballe ta kryptonite à la guimauve, pauvre tâche. Je te parle justice sociale !"

Piqué au vif, le super mytho de l'UNPI brandit son arme secrète : le fulguro-chiffre-bidon. Et paf "700.000 logements HLM vacants" dans ta face d'assisté ! 

- "Et pourquoi pas 7 millions, tant que vous y êtes Monsieur Perrin ? Vous savez bien que la sous-occupation des logements dans le privé est la raison fondamentale de la montée des prix à Paris ?"

- "Ta gueule raclure communiste ! Face à l'affront de l'encadrement des loyersle syndicat de la plus-value pépère se doit de sauver l'honneur des propriétaires bafoués."

De plus, l'annonce concourait à travailler l'opinion sur la nocivité du concept de logement social, et donc sur la pertinence d'éradiquer les projets de nouvelles constructions: une noble cause qui permettrait l'avènement libéral d'un monde meilleur avec une offre immobilière totalement privatisée

"Mais Monsieur Perrin. Vous dites tout le temps que la pénurie de logements entraîne les prix à la hausse"

- "Tais-toi vulgaire non-possédant ! Laisse faire la France des propriétaires !"

Au crépuscule de la bulle immo, Perrin s'en allait vers Bruxelles, dossier à la main. L'offensive  com' ne servirait pas à rien. Elle apporterait de l'eau au moulin de ceux voulant récupérer la gestion du secteur, avec sa population captive et ses immeubles amortis depuis longtemps. La populace ne s'étonnait d'ailleurs qu'à moitié que cette annonce survint le jour de la présentation au gouvernement du rapport de la Cour des comptes préparant l'opinion à une rigueur qui taisait son nom.

La société retrouvait confiance en elle-même.

Grace à Perrin, proche était le jour où les proprios, soucieux que la justice soit respectée dans les HLM, en accepteraient près de chez eux !

[1] si des choses sont à revoir, notamment la transparence des conditions d'attribution des HLM ainsi que sur les possibilités d'évolution (cas vu à plusieurs reprises: des retraité(e)s veufs ou veuves occupent des 80m2 et désirent plus petit, mais l'organisme s'en désintéresse), ce n'est certainement à la clique des bailleurs privés, spécialiste de l'exonération, du crédit d’impôt et de la défiscalisation, de mettre son nez là-dedans.

Illustration : Super de J.Gunn (2012)

jeudi 28 juin 2012

Sauvons les résidences secondaires !

Par Seb Musset

"La justice française s'est penchée lundi, pour la première fois, sur une orgie festive au cours de laquelle un millier de jeunes ont investi, puis saccagé, une villa inoccupée du littoral varois. Les deux jeunes organisateurs ont été condamnés lundi soir à 1 an de prison, dont 6 mois ferme, par le tribunal correctionnel de Draguignan."  Le lab, 25.06.2012

Une rapidité et une efficacité de la justice française que l'on aimerait voir appliquées face aux bailleurs escrocs ou dans le traitement des dossiers DALO ! 

Côté presse, "l'orgie" ayant été organisée sur les internets et inspirée par le film projet X, tu obtiens ce cocktail explosif dont les médias raffolent à base de jeunes + réseaux sociaux du diable + atteinte au droit de propriété + mauvaise influence du cinéma ado (avec au passage réutilisation des images de la bande-annonce américaine pour illustrer la condamnation locale). Cocktail auquel chaque rédaction est libre de rajouter sur la base du texte AFP[1] une "vision d'horreur" ou "vision d'apocalypse" des plus nuancées dans l'échelle des atrocités planétaires du jour.


On aura donc droit à une pulvérisation journalistique en mode estival : 


(note les captures de vidéo-surveillance de la "nuit d'apocalypse" par le gardien Warner bros.)


(note la dimension pirates du net. Avec photo du logo, version l'inspecteur mène l’enquête, voilà qui ne va pas arranger le cours de ton action.)


Selon le même principe du meta sujet, on aurait pu titrer :

"Logement: le scandale de ces propriétés inoccupées à l'année aux mains des CSP+ étrangers ou pas, eux-mêmes dupés par des agents immobiliers en roue libre sous-louant au black à la jeunesse dorée du coin pour qu'elle fasse ses soirées. Tout ce petit monde puant le pognon jouant contre les intérêts des classes populaires locales, obligées de s’exiler ou de payer toujours plus cher (et ce dans le désintérêt le plus total de la justice, car c'est ici "la loi du marché").

Mais bon, c'était un peu long. Priorité au direct coco.


Bref. Avec le concours de la presse déjà en vacances, focalisée sur Facebook et le projet X, les messages sont passés et ils valent 10.000 slogans publicitaires : Le droit du propriétaire est sacré + riches étrangers continuez à OPAiser nos terres même si vous n'êtes là que 4 jours par an et que n'apportez rien à la croissance si ce n'est celle des prix de l'immo.

Regardez la réaction la propriétaire, Hanneke Sprong, après l'annonce du verdict.  Je ne sais pas pour vous, mais pour moi ça sonne comme un appel à remettre le couvert !



[1] J'ai trouvé 4 pages de Google reprenant le même article à la virgule près ou brodant autour de la même base AFP.

mercredi 6 juin 2012

La lutte des classes passe par les loyers

Par Seb Musset

"La vie, c'est l'offre et la demande" François Fillon, 04.06.2012 

Et oui. Ils osent tout. Après une hausse de 50% des loyers en 10 ans, le décret provisoire pour bloquer les loyers à la relocation annoncée par Cécile Duflot, ça couine encore de sa jérémiade victimaire chez les multiproprios : le jackpot est cassé ! 

Les cris et gémissements des rentiers agacés balayent tout le spectre de la droite, de François Fillon à Louis Alliot, chacun reprenant mot pour mot les thèses libérales de "la loi du marché" et de "l’offre et de la demande", principes en vigueur depuis des décennies et avec quel succès : 10 millions de personnes touchées, une explosion de travailleurs logeant dans leur voiture tandis que l'espérance de vie des sans-abris, dont le nombre explose, est passée à 45 ans. La classe non pour un pays supérieurement civilisé ?

Même cette tarte d’Apparu, dont le seul effort au poste de Cécile Duflot dans le précédent gouvernement aura été de servir la soupe aux rentiers, a cru bon de la ramener

Notons tout de fois un paradoxe chez les opposants à la loi chez qui, il n'y a pas de hasard, on ne retrouve jamais de locataires. Deux types d'arguments cohabitent :

1 / Au final, la baisse des loyers serait mauvaise pour les locataires. Prière de ne pas rigoler, je l’ai lu de la plume d’un professeur d’économie qui fait beaucoup pour crédibiliser sa profession.

2 / De toutes les façons, l’encadrement des loyers ne changera rien à la situation.

Quel souci soudain du propriétaire pour la bonne santé du locataire, ce type a qu'il demandait encore 4000 euros de salaire pour un studio de 1000 la semaine dernière, euh que dis-je ce matin encore. Quelle étrange et virulente levée de boucliers contre quelque chose qui serait finalement sans conséquence ! 

Quant à l’argument Point BHL du blocage des loyers qui "tuerait les villes" et ferait "fuir les investisseurs", c'est gentil de se soucier aujourd'hui de la santé des villes alors qu'elles sont ravagées, défigurées, vidées de leur substance, vidées tout court par la spéculation depuis 15 ans. Ce sont les habitants qui font une ville, non les investisseurs. 4 fois sur 5, ce terme bien trop gentil cache en fait la pire avidité qui soit et un total manque de considération, autre que financière, pour son prochain. Si les investisseurs sont martyrisés par la pierre, castrés par Cécile Duflot, oppressés par le joug du locataire: qu'ils quittent la ville, les côtes de France et toutes "les zones tendues" sur lesquelles ils ont fait une OPA en dénonçant la pénurie et dans lesquelles ils s'engraissent copieux depuis des années, repoussant les locaux en 27e périphérie. M'est avis que personne ne les regrettera.


La perspective d'un encadrement des loyers vaut d'abord pour sa valeur symbolique. C'est principalement ce qui est critiqué par nos détracteurs de décret, bien au fait que leurs arguments économiques sont d'un comique prononcé. C'est une première attaque au sacrosaint droit du propriétaire de faire ce qu'il veut parce que c'est chez lui, une première brèche dans le mur de l'impunité, une offensive modérée, mais qui en appelle d'autres d'où l'acharnement à la dénoncer. Alors que pour beaucoup l'enrichissement par l'immobilier a remplacé l'enrichissement par le travail, sur le terrain, pour les aspirants locataires la course au logement est l'extension foncière de la lutte des classes. 

La logique des bailleurs individuels, usant et abusant du droit de propriété, s'oppose clairement à celle de ceux qu'ils exploitent, jusqu'à présent avec la bienveillance de l'Etat, voire avec sa complicité (les grands pourfendeurs de l’interventionnisme ayant été par ailleurs copieusement subventionné depuis des années). 

Concernant le "pauvre petit propriétaire" qui serait la victime d'une loi inique, rappelons-lui que, non, il n'y a pas de fatalité en France à ce que le logement reste un marché comme les autres,  encore moins un casino truqué où celui disposant du capital doit gagner à tous les coups. Nous rappellerons également au "pauvre propriétaire parisien"que le prix du m2 dans la capitale a encore grimpé de 110 euros en 2 mois et que je connais peu de salariés ayant connu une telle augmentation en 5 ans.

Un mouvement est initié, qui ne va pas encore assez loin mais va déjà dans le bon sens. Un signal est envoyé, il fait déjà grogner les grands moralisateurs de la thune tombant tranquille grâce à l’effort pour les autres. Les jours du grand n’importe quoi sont comptés. 

Du moins, je l’espère.

mercredi 23 mai 2012

D'étranges opportunités immobilières

Par Seb Musset

Se loger est une guerre. Débile, cruelle, inutile comme toutes les guerres. D'un côté les parasites de l'immobilier et les apologistes de la pierre vue comme "placement" pour se gaver pépère crient au scandale de l'encadrement des loyers promis par F.Hollande. Une mesure qui, si j'en crois le patron de Gererseul.com (sic) serait "un frein à l'investissement immobilier" (comprendre: "un frein aux culbutes à deux chiffres en échange de l'investissement d'un rideau de douche scotché par un ouvrier payé au black dans le studio pourri dont on a hérité de papa et maman").

De l'autre 10 millions de Français pâtissent jour après jour du dérèglement du secteur de l'immobilier avec des prix multipliés par deux en une décennie en partie à cause d'une clémence fiscale sans précédent pour ceux qui disposaient déjà d'un capital au départ (voir premier paragraphe).

La nouvelle ministre du Logement est attendue au tournant. Par tous. Mais, la résistance des bailleurs s'organise. Voilà que je découvre dans les pages "placement" de Valeurs Actuelles un joli produit financier autorisé par l'AMF juste avant les élections. Le bidule s'appelle Novaxia Immo Opportunité et entre dans le cadre du paquet fiscal, la fameuse loi Tepa (dont il ne reste pourtant pas grand-chose).

De quoi s'agit-il ? Écoutons Joachim Azan, associé gérant du groupe Novaxia:   

« Notre recherche permanente de solutions visant à faire profiter nos investisseurs des meilleures opportunités du marché nous a conduit, cette année, à créer une offre liée, afin de profiter à la fois des avantages de l’immobilier et de ceux de l’hôtellerie. La conjoncture est, en effet, favorable à ces deux secteurs »

Comprendre: escroquer les pauvres locaux avec du rêve de propriétaire ça ne paye plus, offrons du service immobilier aux riches étrangers. 

Azan précise dans le magazine de la droite des valeurs (qui au fond aime bien les immigrés tant qu'ils ont du pognon)

"Les investissements se réalisent uniquement en Île-de-France et en Paca, deux régions recherchées par les investisseurs internationaux et qui offrent des occasions à l'achat à des prix attrayants en raison de la vente d'immeubles tertiaires par des institutionnels et par les pouvoirs publics."



Via des PME montées sur mesure, il s'agit d'investir dans du produit immobilier locatif à baux courts dans des zones déjà soumises à une forte pression foncière, au sommet du box-office du mal logement. Bref de l’hôtellerie bis, non soumise aux contraintes de l’hôtellerie. Les salopiauds se groupent ainsi pour acheter d'un coup et au meilleur prix des immeubles de bureaux ou des bâtiments de collectivité pour les transformer en pied-à-terre pour touristes thunés et louer le 30m2 à 600 euros le week-end. Le plus beau: ça permet de réduire ton impôt sur la fortune et d'obtenir une ristourne supplémentaire sur l’impôt sur le revenu à hauteur du 18%. 100.000 euros investis = 18.000 euros de moins à payer sur L'IR. (Et parallèlement, il conviendra de pointer du doigt l'allocataire au RSA qui vole à la collectivité 400 euros par mois)

"Les activités de construction d’immeubles en vue de leur vente ainsi que les activités de location meublée touristique de courte durée ouvrent, en effet, droit aux avantages fiscaux de la loi Tepa" > Points 15 et 16 du BOI 7S-5-11, page 7 sur ce lien).

Étrangement, la loi n'applique pas ce mécanisme pour le logement social. A noter qu'au même moment la promesse de F.Hollande de doubler le plafond du livret A pour financer plus de logements sociaux est dans le viseur du lobby des banques et assureurs en mode Kill it !  Comprenons-les. Déjà que les banques n'ont pas une bonne image dans la population, avec cette conjoncture morose il ne faudrait pas que les épargnants se mettent à placer dans des produits sûrs et de surcroît  constructifs. Non. Tant qu'on peut leur vendre de l'action facebook survalorisée, c'est quand même plus juteux pour nos sauveurs des marchés.

Le produit Immo Opportunité (s'il fonctionne, l'opération étant abandonnée en dessous de 1.8 million de collecte) favorisera encore un peu plus l'envolée des loyers dans les zones concernées. J'ai abondamment traité de la pied-a-terrisation, cerise sur le gâteau des injustices immobilières en zones tendues: Pourquoi mettre un loyer à 700 euros par mois si on peut louer le machin à 700 par semaines sans gestion complexe, en en gardant la disponibilité, le tout assorti d'un copieux cadeau fiscal ? (même si dans ce cas précis, mon expertise fiscale ayant ses limites, je ne peux garantir que le thuné tenté bénéficie de l'avantage au-delà de cette année). 

On comprend dès lors que les bénéficiaires de ce type de produits autoproclamés investisseurs (profiteurs serait plus juste) crient au scandale à la réaffirmation par Cécile Duflot de l'encadrement  des loyers qui, en théorie, tuerait ce business. A moins bien sûr que ce business et les loyers déconnectés des réalités salariales locales qu'il engendre soient considérés comme la norme sur certains territoires de France. 

Illustration: An american in Paris, V.Minnelli (1951)

vendredi 16 mars 2012

Apocalypsimmo #4 : Aidez-les !

Par Seb Musset.

Il est de retour, il a la rage. Jean Perrin, le président de l'Union Nationale des Propriétaires Immobiliers tire la sonnette d'alarme dans un communiqué lacrymal. Parait que la pression fiscale sur les propriétaires est intenable et que ça va finir par les faire fuir de l'investissement locatif.


"Selon les taux d’imposition applicables, il apparaît que la rentabilité nette d’un immeuble locatif ancien tend à se rapprocher de zéro si l’on additionne notamment l’impôt sur le revenu, les prélèvements sociaux et, le cas échéant, l’ISF et/ou la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus instaurée en 2012."

Que répondre à Perrin? Que depuis que "l'investissement locatif" est devenu un sport national sponsorisé par l'Etat (se défaussant ainsi d'investir dans la construction de logements sociaux), les prix des loyers n'ont cessé d'augmenter, les conditions d'accession à la location sont de plus en plus ubuesques. Peut-il seulement le comprendre? Fiscalité varie, mais souvent proprio ne comprend que profit. Perrin y va donc de son communiqué en attendant, tel le Mickaël Vendetta du PAP, de menacer de quitter le territoire s'il ne peut plus faire du +10% à l'année. Louer n'est pas assez "rentable"? C'est trop compliqué? Personne ne les empêche de mettre en vente. Avec une hausse de +215% en 15 ans dans l'immobilier ancien alors que le CAC 40 en cumulé n'a grimpé "que" de 110% dans la même période, la culbute m'a l'air encore bien indécente.

Jean Perrin dénonce "un matraquage des propriétaires bailleurs". S'il y a resserrement récent, toujours relatif mais "faut bien rembourser notre dette ma brave dame", il reste de la marge avant de récupérer les dizaines de milliards d'exonérations fiscales cramées lors de la dernière décennie. Et  certains mécanismes sont encore bien effectifs !
(Le retour du Jedi les a recensés pour vous.)

Des mécanismes se retournant parfois sur "les petits épargnants" voulant se la jouer maître des loyers d'un ou plusieurs Scellier à Nullepartville mais avantageant toujours celui disposant d'une bonne assise financière et pouvant encore acheter aujourd'hui en plein Paris (là où le m2 est le plus inabordable pour le commun des mortels) une studette avec une ristourne finale de 40%. Ne parlons pas des ribambelles de propositions que je reçois pour "investir" dans l'immobilier en Allemagne (l'immobilier y est 2X moins cher qu'ici, ça aiguise les appétits) ou en Israël. 

Et Perrin d'enfiler les perles sur le requiem pour un bailleur martyrisé:
"Les revenus fonciers sont donc déjà plus taxés que les revenus du travail ou ceux de capitaux mobiliers."

Suggérons à Perrin d'aller bosser à l'usine, s'il veut être moins taxé. Concernant l'ISF et l'immobilier, basé sur mes modestes observations en milieu thuné: les 2/3 des propriétaires qui devraient s'en acquitter à cause de leur(s) maison(s) passent au travers, du fait de son mode de calcul basé sur la comparaison avec un bien présentant des critères rigoureusement identiques (compliqué à établir, spécialement dans l'ancien).

Pour ce qui est du "risque" de fuite des spéculateurs de la pierre, l'immobilier étant un de ces rares domaines où la créativité individuelle n'a d'égale que la souplesse morale du législateur: je ne m'inquiète que moyennement. Exemple: Dans le numéro du 7 mars de l'Expansion spécial immobilier, après 20 pages nous rabâchant que la pierre est à la fête à Paris (un indice chez vous: le nombre de SDF explose) et que c'est "encore le moment d'acheter", un publi reportage didactique nous explique le pourquoi du comment de "la location meublée" (comprendre avec un frigo cash converter à 60 euros) à bail réduit. Figurez-vous qu'elle offre une rentabilité 15% supérieure à "la location vide" pour un travail bien moindre, avec une imposition classée "bénéfices industriels et commerciaux": bien plus avantageux que la location traditionnelle.

Autres exemples parmi les propositions indécentes, surfant bien sur la légalité, régulièrement reçues (notez l'argumentaire, cliquez pour agrandir):




Alors Perrin, heureux ?

Non. Jaloux des avantages dont bénéficient les proprios de la première destination touristique mondiale, et pour "encourager l’investissement immobilier dans l’ancien", le patron du syndicat des proprios demande au gouvernement:
"- une baisse de la fiscalité des revenus fonciers,
- le rétablissement d’un abattement de 15 % sur les revenus fonciers,
- l’instauration d’un amortissement des immeubles acquis par les particuliers sur 30 ans,
- le plafonnement de la hausse de la taxe foncière."

Dans une première version de son communiqué, plus ambitieuse, il exigeait 100 balles et un Mars. Mais, au dernier moment, il s'est retranché dans le camp de la raison.

Et Perrin de conclure: "Il est primordial que la fiscalité ne vienne pas, en étant trop fluctuante et confiscatoire, pénaliser ceux qui ont fait le choix d’investir à long terme dans l’immobilier."

Une fiscalité fluctuante et confiscatoire? Elle va depuis 15 ans strictement tout le temps dans le sens de la bulle en multipliant les aides à l'accession à la propriété et à la défiscalisation (rien que la  TVA réduite sur les travaux à coûté 5,2 milliards à l'Etat en 2011, le PTZ encore 1.2 milliard, l'aménagement Girardin 4,7 milliards). Investir à long terme dans l'immobilier? Si je dois retenir une chose de ma petite expérience de 15 ans dans la torride jungle du bailleur, de la province à Paris, du jeune au vieux, c'est la cupidité décomplexée et bien évidemment l'absence totale de vision à long terme étant entendu que mes interlocuteurs se divisaient en deux parties:
1 / Ceux qui ont acheté un bien et sont convaincus que l'immobilier ne va jamais baisser.
2 / Ceux qui ont hérité d'un bien et sont convaincus que l'immobilier ne va jamais baisser.

Si la seule vision à long terme a des allures d'indiscutable certitude de type "bibiche, tu verras on va s'enrichir en revendant", cette dernière est vite rattrapée par un souci, lui, à très courte vue: "Purée Bibiche, faut rentabiliser fissa".

Nos proprios ont donc souvent recours à la "machine à sous", l'autre nom du locataire. Rien de tel qu'un type ou une famille sans alternative, coincés hors du logement social, pour s'assurer une confortable rente. Comme on dit à Athènes, le pauvre est un investissement dont l'on peut tirer des dividendes jusqu'à cessation d'activité. Ce n'est pas un hasard si, au même moment, la FNAIM suggère  un mécanisme "BP 3" qui lui permettrait de récupérer le marché du social (et ses commissions) via les bailleurs privés (et leurs commissions) avec, ce coup-ci, abattement à 100% (allons-y tant qu'à faire) sur les revenus fonciers des proprios.

Ça donc commence donc à chauffer sur le front de l'immobilier, les possédants n'ont pas l'intention de se laisser spolier par un marché à la baisse, et appelle à l'aide la main invisible ...de l’état.

Ils veulent investir? Qu'ils investissent dans les PME, qu'il investisse dans l'innovation, qu'ils fassent le pari de demain au lieu de chercher à conserver leurs avantages fiscaux au détriment d'une population captive.


Espérons que le ou la prochain(e) président(e) prenne la mesure de l'enjeu et sache pour qui trancher.


La condition préalable étant, bien sûr, d'en changer. Hein ?



* * *

P.S: De l'autre côté, loin des alchimies fiscales des bien-logés, chez ceux potentiellement éjectables à partir de demain matin 6h, on s'organise également avec la création du 115juridique.org site mettant à disposition le travail du DAL pour permettre aux avocats, mais aussi aux militants, bénévoles ou sans-abris ayant quelques compétences juridiques de saisir la justice administrative en cas de refus d'héberger les personnes sans-abri.

Illustration : apartmenttherapy.com

mardi 13 mars 2012

Quand le logement craque en silence

Par Seb Musset

Je sais que je devrais aborder ces sujets cruciaux en période électorale tels la cuisson de la viande, la vie monacale de Carla-Cosette Bruni-SarkoCaSuffit ou les risques de ghettoïsation en chalet helvétique des gardiens de but. 

Mais non. N'écoutant que mon courage, j'ai décidé de m'aventurer hors des sentiers battus d'une campagne présidentielle télévisée au-delà du médiocre où un journaliste du service public au JT  trouve prioritaire de demander 4X de suite au candidat socialiste lors s'il y'a trop d'étrangers en France.

Je me coltine donc ces sujets mesquins, ces thématiques ingrates pour nos éditocrates de palais, pourtant classées parmi dans les premières préoccupation des Français:

Ta-daa... Le logement !

Règne comme un affolement depuis janvier dans les médias au sujet de la baisse des prix constatée un peu partout sur le territoire. Une baisse à l'achat toute relative après une hausse de 135% en 10 ans. Quant aux loyers, après une poussée de 30% sur la dernière décennie, la moyenne nationale recule ce mois-ci de.... 0,1 %. Houla, grosse claque pour les bailleurs!

Le Nouvel obs, emporté sa légendaire passion pour les problématiques quotidiennes du prolétaire, sort ce mois-ci un dossier "Immobilier en France: comment profiter de la baisse?"  Pour l'occasion, son partenaire, Europe 1 aka Radio proprio, s'est fendue d'un bon sujet d'autopromo en tête de flash à 7h30 jeudi matin. Il en ressort, avec force témoignages que, bon, les pauvres ils ne font rien qu’embêter les riches leur empêchant d'empocher d'aussi belles plus-values qu'avant. Et les locataires, ces derniers des derniers, osent maintenant discuter les prix auprés du bailleur et critiquer l'état de ces travaux. Bah quoi, il est pas bien mon sanibroyeur à manivelle ? Non mais où va-t-on ? Bientôt, pour 700 euros par mois, ils vont exiger un isolement phonique et même des fenêtres !



Depuis des années ce blog combat la ligne du "tous propriétaires" (idéologiquement contestable mais surtout intenable dans un climat continu de dégradation de l'emploi et des revenus) pour privilégier celle du "tous bien logés". Il y a encore quatre ans, proclamer qu'acheter sans pognon était "une connerie", vous vouait illico à l'excommunication de l'apéro par vos jeunes amis primo-accédants (endettés graves, ndlr). En mars 2012, si j'en crois le dernier rapport du CREDOC, Propriétaires, locataires : une nouvelle ligne de fracture sociale, c'est devenu une conviction partagée chez mes compatriotes.

Publiée au début du mois, l'étude révèle que 8 Français sur 10 préfèrent que "tout le monde puisse disposer d’un logement confortable pour un coût raisonnable" plutôt que "tout le monde puisse devenir propriétaire de son logement".  La France aurait donc fait un sacré chemin depuis son sacre de l'individualisme roi et de l'enrichissement par la maison en 2007! Plus marquant, le graphique ci-dessous indique que c'est la catégortie des heureux endettés de l'apéro de 2007 qui affiche aujourd'hui la plus grande réticence quant au concept de "France des Propriétaires". Le vernis craque: l'accession à la propriété à crédit, survendue par les médias et Nicolas Sarkozy comme un mode imparable d'enrichissement, s'avère contraindre au quotidien les accédants endettés les plus modestes, avec la perspective de les "appauvrir" virtuellement en cas de probable (et parfois déjà effectif) de retournement des prix.

(cliquez pour agrandir.)

Le rapport du CREDOC se concentre sur le décrochage entre locataires et propriétaires, fossé qui n'a cessé de se creuser en 20 ans et arrive à ses limites comptables. Si la proportion de hauts revenus devenant propriétaires n'a cessé d'augmenter, à l'inverse, l'acquisition à la propriété par les bas revenus est en chute libre (de 50% en 1990 à 31% en 2011). De plus, on ne peut plus acheter sur la base d'un seul salaire, or les parcours familiaux sont presque aussi accidentés que les parcours professionnels.

"...le parc locatif est devenu, progressivement, de plus en plus marqué sociologiquement en accueillant toujours plus de ménages jeunes, célibataires et aux revenus modestes. Si bien que la hausse des loyers, pourtant moins spectaculaire [30% en 10 ans, 47% dans le privé alors que l'inflation a été de 19% sur la même période] que celle des prix à l’achat [107% dans l'ancien], pèse de plus en plus lourd sur le budget des locataires".


Conséquence: les locataires grignotent sur leur consommation. "44% des foyers ayant de lourdes charges de logement déclarent devoir se restreindre en matière d’alimentation" [...] "De même, 17 % des ménages avec d’importantes charges de logement sont en situation de précarité énergétique, contre 7 % lorsque les sommes consacrées à se loger sont raisonnables". Forte est la probabilité de retrouver des ménages à fortes dépenses de logement dans les 29% des français qui ont renoncé à se soigner en 2010


Double impact pour le locataires à faibles ou moyens revenus: Dégagés de l'accession à la propriété parce pas assez solvables et / ou célibataires, ils se retrouvent étranglés à la location.


Je serais plus nuancé que le rapport dans son opposition locataire / propriétaire: l'acquisition à la propriété assortie d'un endettement massif, et donc étalé dans le temps, couplé à la hausse des charges et des prix de l'énergie, pousse les ménages moyens de jeunes propriétaires exactement dans la même situation (voire pire) que les locataires à revenus équivalents. 

(Nostalgie des années 2000 quand tu nous tiens)

Là-dessus, l'héritage renforce les inégalités. Les revenus petits ou moyens qui jusqu’à présent "primo-accédaient" à la propriété le pouvaient la plupart du temps en partie grâce à quelques aides familiales ou transmission partielle d'héritage avancé (Je ne connais aucun trentenaire, et notamment de l'apéro susmentionné, ayant accédé à la propriété sans, à un moment ou à un autre, bénéficier d'une aide familiale). Non seulement, des centaines de milliards sont déjà immobilisés dans l'immobilier alors qu'ils pourraient être injectés ailleurs, mais une bonne partie du pognon va, vient et fructifie en cercle fermé.

D'un côté, depuis 15 ans, les propriétés s'accumulent ou s’agrandissent pour les uns. De l'autre, ceux qui ne sont pas rentrés dans le cycle de la propriété via l'endettement bon marché et / ou n'ont pas eu d'aide familiale, sont condamnés à s'entasser dans des surfaces de plus en plus petites, même s'ils sont salariés[1].


Résumons les épisodes passés: Les taux baissent, les prix montent. Ceux qui ont déjà le pognon, et n'ont pas besoin de s'endetter lourdement en profitent (pour reprendre le terme du nouvel obs). Du coup, les prix montent encore plus (pour tous) et les transactions s'accélèrent entre riches[2], les intermédiaires se gavent. Les revenus plus faibles sont poussés durant 10 ans vers l'endettement (souvent au prix d'un exil des villes et centres d'activité OPAisés par les riches), les autres sont repoussés vers la location (entre temps devenu un large secteur de spéculation et d'abus). La droite accélère le mouvement en allégeant l’impôt sur les successions et en subventionnant massivement de fumeux placements immobiliers défiscalisés (les deux bénéficiant en priorité - comme l'exploitation locative - à ceux qui ont déjà de l'argent). Peu à peu, ceux qui ont le pognon s’accaparent tous les biens (pour spéculer ou non), se les rachètent entre eux pendant un temps. En bout de course, la demande se contracte 1 / par manque de nouveaux arrivants 2 / par manque de solvabilité des locataires 3 / Parce que ceux-là sont résignés: ils ne seront jamais propriétaires. Les propriétaires paniquent, ils ne "s'enrichissent plus comme avant": la presse s'inquiète et sort un numéro spécial (mais ne l'inclue pas dans une perspective présidentielle[3]).



(Dans la foulée du Nouvel obs, la même semaine, L'Express ose l'alternative)

Les pauvres, eux, ont baissé leur consommation, leur frais de santé et s'entassent les uns sur les autres depuis des années (dépensant pour certains 700 euros pour un taudis alors qu'ils en gagnent 900, ou se faisant tabasser par un proprio un peu pressé de renégocier les tarifs: deux exemples vus ce mois-ci à Paris) dans l'indifférence des éditoralistes.


Nous en sommes là. A 3 jours de la reprise des expulsions locatives concernant 100.000 personnes. 100.000 SDF potentiels de plus (à carte d'identité française, si ça peut faire avancer le débat).


Peur des hauts revenus à l'idée de l'arrivée de la gauche au pouvoir, finances au taquet d'une large partie de la population et attentisme des CSP+ quant à la suite des évènements fiscaux post-6mai, le marché immobilier est aujourd'hui figé. Le marché du logement, lui, n'a pas changé. Quasi absent du débat politique dans les médias alors qu'il est le signe le plus flagrant, avec la précarisation du travail, du décrochage social de tout un pan de la société. Rarement depuis 60 ans, il y aura eu une telle urgence à redéfinir notre paradigme immobilier, et enfin bâtir une société du logement pour tous.   Rarement, on en aura aussi peu parlé dans une campagne présidentielle[4]. Le logement pour tous est plus qu'une finalité, c'est la condition minimale pour parler avec un peu de sérieux, et d'optimisme, de tous les autres problèmes de notre pays.



* * *

[1] Si l'un de vous peut me retrouver le chiffre de la répartition du foncier français selon les revenus, il en sera grandement remercié.


[2] Et le Crédoc de noter "Tout le monde n’est pas perdant dans cette hausse des prix des logements. Le patrimoine des propriétaires a en effet considérablement augmenté. Un ménage qui a acheté un appartement ou une maison il y a 15 ans au prix de 200 000 euros dispose aujourd’hui d’un patrimoine de 500 000 euros. La valeur de ce patrimoine s’est accrue de 1 670 euros par mois."

[3] Facette du "modèle allemand" bizarrement sous évoquée ici. Avec un contrôle de l'immobilier et des loyers, l’Allemagne a connu une hausse "seulement" de 20% des prix dans l'ancien en 10 ans, contre 135% ici dans la même période.

[4] Le Front de Gauche, Le NPA, Europe Ecologie et le PS font, chacun à leur manière, une grande place à cette thématique dans leur programme, mais sont peu questionnés sur le sujet à la télé ou à la radio.


Illus : Rocknrolla G.Ritchie (2008)


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